Programme de démocratisation PEI

Programme de démocratisation PEI

Article AEF Info paru le 9 juillet 2021

 

Le réseau des Sciences Po présente le bilan et les axes de développement de son programme de démocratisation PEI

 

Crée en 2007, le programme de démocratisation PEI, commun aux 7 Sciences Po du réseau ScPo, a formé plus de 40 0000 élèves, et s’apprête à en accompagner 3 500 à la rentrée 2021 dans près de 400 lycées partenaires. Ce dispositif, destiné aux élèves de condition modeste, "fait partie de l’ADN de nos écoles", présente Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, lors d’un entretien à AEF info le 14 juin 2021. Parmi les axes de développement : commencer le programme dès la classe de 4e et étendre le dispositif PEI "pro" dans les lycées professionnels.

"C’est le programme de démocratisation le plus important et le plus diversifié" entre le secondaire et l’enseignement supérieur, décrit pour AEF info Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, à propos du dispositif PEI commun aux 7 Sciences Po de région du réseau ScPo (1), lors d’un entretien le 14 juin 2021. Lancé en 2007, ce programme vise à accompagner des élèves motivés et de condition modeste, dès le collège, pour préparer à la fois le concours d’entrée en première année des Sciences Po et leur donner le goût de la poursuite des études supérieures. Le réseau propose également un PEI à destination des élèves des lycées professionnels pour les orienter vers des formations courtes, type BTS ou BUT.

14 ans après son lancement, plus de 40 000 élèves ont suivi le programme PEI, chiffre pour AEF info Paul Vinachès, responsable du programme PEI et enseignant à Sciences Po Toulouse. "C’est un programme qui est inscrit dans la durée et qui fait partie de l’ADN de nos écoles", rebondit Pierre Mathiot.

 

14 ans après son lancement, quel est le bilan du PEI ?

À la rentrée 2020, le dispositif PEI comptait 339 établissements partenaires dans 22 académies, dont 4 académies d’outre-mer, présente Paul Vinachès. En septembre 2021, il devrait être décliné dans 382 établissements, à destination d’environ 3 500 jeunes.

Lors de l’édition 2021, 672 élèves du programme ont passé le concours d’entrée commun aux Sciences Po sur un total de 13 600 candidats, et environ 250 seront admis. "Un tiers réussira alors que nous avons moins de 10 % d’admis pour l’ensemble du concours", précise Pierre Mathiot. Le taux d’admission des élèves PEI boursiers est de 14,6 %, contre 6,8 % chez les boursiers non PEI. "Mais soyons honnêtes : l’un de nos enjeux est de toucher plus de boursiers des échelons élevés (de 5 à 7) dans le supérieur", admet-il. Pour l’instant, sur les cinq années du cursus, les 7 Sciences Po comptent environ 35 % de boursiers (tous échelons confondus).

Le réseau a également dressé le bilan de l’année 2019-2020 et sorti des chiffres clés :

  • 78 % des élèves du programme PEI sont des élèves boursiers du secondaire ou de futurs boursiers de l’enseignement supérieur,
  • 71 % des élèves PEI obtiennent une mention bien ou très bien au bac,
  • le nombre de bénéficiaires a été multiplié par 5 en 10 ans,
  • le programme compte 67 % de filles.

 

Les particularités du programme PEI

L’objectif du programme PEI est de s’inscrire dans une démarche d’orientation active et dans l’articulation du continuum bac -3/+3 : "Pourquoi, à un moment donné, les collégiens et lycéens manquent d’ambition ? Parallèlement à une préparation plus classique, qui consiste à apporter une méthodologie de travail, le programme propose de construire un projet d’orientation", développe Paul Vinachès. Les élèves suivent des contenus variés, reposant souvent sur une production orale, "pour changer le regard qu’ils portent sur eux-mêmes".

Ces élèves sont accompagnés par "plus de 500 étudiants tuteurs, dont beaucoup étaient dans le programme PEI. Nous nous appuyons aussi sur l’expertise des 500 enseignants de collèges et lycées qui travaillent avec nous", complète Pierre Mathiot.

Une autre particularité du programme est son ancrage dans les territoires et plus particulièrement en zones rurales. "Notre philosophie est de labelliser des lycées en ne s’appuyant pas uniquement sur le critère de l’éducation prioritaire. Nous sommes historiquement implantés dans des collèges et lycées ruraux car nous nous adressons à un public spécifique", contextualise Pierre Mathiot. Le programme est, par exemple, déployé en région Centre-Val de Loire, alors qu’aucun Sciences Po n’est présent dans ce territoire.

En outre, "une des forces de frappe de notre programme, c’est que nous nous sommes en lien avec le ministère de l’Éducation Nationale", via une convention signée à partir de 2009, précise Paul Vinachès. "Il nous donne des moyens pour agir et, en contrepartie, nous respectons un cahier des charges et n’allons pas dans n’importe quel lycée", ajoute Pierre Mathiot.

 

Le développement du programme en lycée professionnel

Le programme poursuit son essor en suivant trois axes de développement :

  • renforcer l’ancrage dans les territoires, en développant notamment les liens avec les services Csaio,
  • commencer le programme dès la classe de 4e à partir de la rentrée 2021,
  • étendre le dispositif PEI "pro", avec un objectif de 22 lycées professionnels à l’horizon 2023.

À noter que depuis 2013, une expérimentation est conduite par les Sciences Po de Lille et de Toulouse dans 11 lycées professionnels de quatre académies (Amiens, Montpellier, Lille et Toulouse). À la rentrée 2021, le programme sera également déployé par Rennes et Saint-Germain-en-Laye. "Nous considérons que nous avons une mission de service publique et que notre rôle est aussi d’aider les bacheliers professionnels à rejoindre l’enseignement supérieur", estime Pierre Mathiot.

Concrètement, les élèves sélectionnés par les enseignants-référents, sous l’aval des Sciences Po, ont au moins 24 heures dans leur emploi du temps dédié au programme PEI, ainsi que 2 à 3 journées banalisées par an. Les élèves travaillent le plus souvent en collectif, encadrés par des enseignants de leur lycée, avec des tuteurs étudiants. "C’est un programme exigeant mais qui se déploie dans une atmosphère moins scolaire, ce qui leur permet de nouer des relations différentes avec leurs enseignants, de sortir de leur lycée pour venir dans les Sciences Po, de rencontrer des étudiants, d’assister à des conférences…", décrit Pierre Mathiot.

 

Pas de discrimination positive mais un "accompagnement réparateur"

Parallèlement à ces axes de développement, le programme PEI s’adapte aussi à la réforme du lycée : "Nous renforçons de plus en plus la dimension orientation, en faisant en sorte que les élèves, dès la classe de Première, présentent leur projet auprès de professionnels", répond Paul Vinachès. Autre point essentiel : l’oralité. Les IEP vont développer un accompagnement spécifique à l’oral, à travers des exercices de mise en situation.

Mais outre le programme PEI, les Sciences Po sont-ils prêts à modifier la mécanique même de leur concours pour aller encore plus loin en matière de démocratisation ? "L’édition 2022 du concours maintiendra des épreuves écrites mais avec une prise en compte des deux notes de spécialités obtenues au baccalauréat" (lire sur AEF info), rappelle d’abord Pierre Mathiot, qui explique ensuite un accord pris entre les Sciences Po.

"Les élèves du PEI qui passent le concours et qui le réussissent peuvent rejoindre tout de suite le Sciences Po voulu. Mais si ce n’est pas le cas, nous avons décidé que, à hauteur de 10 % de nos effectifs, nous pouvons intégrer ces jeunes dans le Sciences Po de leur choix." Par exemple, un boursier échelon 7, résidant à Lille, qui réussit le concours mais qui n’est pas directement pris dans l’établissement lillois, pourra quand même l’intégrer. "Ce système n’est pas de la discrimination positive mais une forme d’accompagnement réparateur", juge-t-il.

Il faut "donner les moyens d’entrer par la grande porte"

"Le taux de réussite des élèves du PEI est supérieur au taux de réussite moyen au concours. Donc plus nous accompagnerons des élèves en Terminale, plus nous démocratiserons notre recrutement", insiste Pierre Mathiot.

Sur le sujet de la démocratisation, les Sciences Po de région partagent le même constat. Les mesures de discrimination positive, comme la création de voies spécifiques de recrutement, "ne rendent pas service aux étudiants", selon Pierre Mathiot. "Le programme PEI est accepté par tous car il est considéré comme juste : dans le sens, où les jeunes ne prennent pas les places d’autres étudiants", développe-t-il. Et de conclure : "Nous voulons leur donner les moyens d’entrer par la grande porte."

 

(1) Les 7 Sciences Po du réseau ScPo : Aix-en-Provence, Lille, Lyon, Rennes, Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg et Toulouse